[Hommage] Mort de Michel Deguy
Michel Deguy est mort à Paris le 16 février 2022 à l’âge de 91 ans.
Plusieurs hommages lui seront consacrés dans les prochaines semaines.

Voici les premières lignes du texte de Martin Rueff paru dans Libération le 18 février 2022 :
«Quand quelqu’un meurt», tonnait Deguy, «il ne faut pas dire qu’il “nous a quittés”, ou “qu’il s’est éteint”». «Pas de mots creux», recommandait-il, et encore moins de «a rejoint le seigneur, le ciel». Lui, le théoricien de la paraphrase et de la périphrase, le poète du comme, le défenseur de la métaphore ne supportait pas ces faux-semblants doucereux. Il nous faut donc écrire : «Michel Deguy est mort à Paris le 16 février. Il était âgé de 91 ans.»
Il avait publié son premier livre de poèmes, les Meurtrières en 1959 ; il fera paraître, futur tenace, son dernier livre le 3 mars : la Commaison (Ed. l’Extrême contemporain). Considérer l’œuvre de Deguy, c’est donc traverser plus de soixante ans d’écriture et d’interventions, d’échanges, de luttes, de colères, de palinodies, de prises de risques : une soixantaine de livres portés par l’Energie du désespoir et la conviction que la littérature est un art du langage et le poème la mise en vers des mots. Il faut dire la force de son œuvre de poète et de poéticien qui fit de lui, le poète, un «extrême contemporain».
Deguy était convaincu que la poésie ne se contente pas des mots avec lesquels elle fait tout un monde, mais qu’elle a son mot à dire. Il aura permis à la poésie de prendre le large en refusant les solutions de facilité – le sentimentalisme («oh un petit poème, comme c’est gentil» : c’est la fonction apéritive du poème) ; la grandiloquence («oh un grand poème, comme c’est impressionnant» : c’est la fonction monumentale du poème) ; l’avant-gardisme («oh un poème raide, comme c’est violent» : c’est la fonction disruptive par déclaration). La poésie était pour lui l’extrême du langage et le langage l’extrême de la vie, son intimité. Il la voulait plus forte que la mort. Le vers de Deguy, c’est un couteau de mots qui remue la vie dans la plaie du temps. Si Deguy est l’extrême contemporain, c’est aussi parce qu’il a fait du poème un art de pointe, qu’il l’a mis à la pointe avancée du contemporain, celle qui rentre dans le cœur : «N’était le cœur /nous serions sourds /En vie sans doute mais comme les méduses /ou les vipères dérivées /N’était le cœur nous serions sans monde // […] N’était le cœur nous serions sourds /Entends mon cœur entends la douce vie qui marche.» […]
Martin RUEFF, traducteur, poète et philosophe
Un numéro de la revue Critique, “N’était Deguy”, n° 887, dirigé par Martin Rueff, rendait hommage à Michel Deguy en avril 2021 : http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Critique_n%C2%B0_887___N_%C3%A9tait_Deguy-3348-1-1-0-1.html
Le site Poezibao propose dans son “anthologie permanente” la lecture d’extraits de La Commaison tout juste paru : https://poezibao.typepad.com/poezibao/

Le 15 mars 2022 Poezibao publie un dossier d’hommage à Michel Deguy :
avec Esther Tellermann
Christophe Lamiot-Enos
Auxeméry
Alain Lance
Habib Tengour
Christian Travaux
Yves Boudier
Sur En attendant Nadeau, “Michel Deguy” par Tiphaine Samoyault, 21 février 2022 : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/02/21/hommage-michel-deguy/
Entretiens de Po&sie : Hommage à Michel Deguy, Maison de la Poésie, Paris 3e, samedi 19 mars 2022, 16h https://www.maisondelapoesieparis.com/events/hommagemicheldeguy/
Pour rendre un premier hommage à Michel Deguy, le comité de la revue Po&sie a demandé à ses amies et à ses amis de lire ses poèmes et ses proses sur la scène de la Maison de la poésie. Non pas des mots sur le poète, mais ses mots à lui.
Avec Linda Maria Baros, Sereine Berlottier, Barbara Cassin, Armelle Cloarec, Jean-Patrice Courtois, Jacques Demarcq, Florence Delay, Iryna Dmytrychyn, Christian Doumet, Jean-Pierre Ferrini, Bénedicte Gorillot, Patrick Hochart, Stéphane Michaud, Jacques Neefs, Christine Planté, Sébastien Rongier, Irène Rosier, Jacques Roubaud, Dumitru Tsepeneag, François Vitrani
& le comité de la revue Po&sie, Guillaume Métayer, Claude Mouchard, Hédi Kaddour, Laurent Jenny, Claude Mouchard, Martin Rueff et Tiphaine Samoyault
Hommage à Michel Deguy, Maison de la Poésie, Paris 3e, samedi 11 juin 2022, 20h
https://www.maisondelapoesieparis.com/events/hommage-a-michel-deguy/
En 2019, la réalisatrice Marie-Claude Treilhou a filmé Deguy dans le travail de sa parole : le voici qui pense, cherche, profère, déclare, corrige : qui avance et continue.
Le titre du film, Comme si, comme ça, emprunté à Deguy, déplace la réponse mitigée (ça va comme ci comme ça) pour la hausser vers la formule réfléchie du poème : pour voir x comme ça il faut passer par l’hypothèse (comme si), par la fiction et l’image. Après avoir écouté Michel Deguy on discutera ses propositions car le poème, comme l’amour, fait des propositions.
À lire – Michel Deguy, La Commaison, éd. L’extrême contemporain, 2022.
À voir – « Comme si, comme ça », réal. par Marie-Claude Treilhou, prod. par La Traverse, 2019.
Po&sie 2022/3-4, n° 181-182, Paris, Belin, octobre 2022
https://www.cairn.info/revue-poesie-2022-3.htm
La revue Po&sie rend hommage à son fondateur, avec un numéro de plus de 400 pages, riche d’une cinquantaine de contributions et témoignages, mais aussi d’une douzaine de textes et poèmes inédits.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laure Michel (18 février 2022). [Hommage] Mort de Michel Deguy. Poemata. Consulté le 18 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/swzd